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Les paradoxes des politiques de la ville destinées aux quartiers prioritaires

Quatre décennies après ses premiers pas, la politique de la ville reste enfermée dans un ghetto politique, entre discours sur son échec présumé, critiques récurrentes sur le recours à la « stratégie du chéquier », absentéisme massif des quartiers lors des élections et « cris d’alarme » ou « appels au secours » réguliers, peu entendus, des maires concernés chaque fois que la situation sociale se durcit. Tel est le paradoxe d’une politique destinée à aider les 5 millions d’habitants des quartiers prioritaires, toujours aussi centrale dans le débat et les polémiques médiatiques, toujours aussi périphérique, en réalité, dans la masse des politiques publiques, quoi qu’en disent ses détracteurs.
Après les émeutes de l’automne 2005, Claude Dilain, l’ancien maire de Clichy-sous-Bois, disait que la République s’était retirée comme la mer à marée basse, métaphore qui permettait de traduire l’ampleur des besoins d’une population plus pauvre, moins éduquée, moins soutenue que dans d’autres territoires. L’image aurait pu être reprise dans le rapport de l’enquête réalisée par les députés Cornut-Gentille et Kokouendo sur la Seine-Saint-Denis, en 2018, qui démontrait le décalage entre les discours et la réalité des actes sur ce département symbolique. Elle aurait pu illustrer, tout autant, l’effacement de cette politique, sur le plan gouvernemental, depuis 2018, et l’enterrement du plan Borloo par Emmanuel Macron, au grand désarroi de beaucoup d’élus. Ou encore la réponse aux émeutes de l’été 2023, résumée par une formule du chef de l’Etat mettant en avant « l’ordre, l’ordre, l’ordre » pour évoquer les quartiers. « La politique du chéquier, c’est fini, ça ne marche pas », avait ajouté la secrétaire d’Etat à la politique de la ville, Sabrina Agresti-Roubache, avant que son administration soit rattachée au ministre de l’intérieur, comme un symbole supplémentaire.
Les gouvernements ont, de fait, choisi, depuis des décennies, de communiquer sur les « milliards » dépensés. Dans un pays où l’égalité reste un rêve collectif, cela avait une vertu : montrer, même lorsque tel n’était pas le cas, que la République tentait de tenir sa promesse, y compris dans les grands ensembles construits dans les années 1950 et 1960 alors que le logement constituait un enjeu national. Cela présentait donc aussi un risque : que le montant de la facture devienne le sujet principal, plus encore que le destin des habitants et l’amélioration, pourtant manifeste, de leurs conditions de vie, grâce en particulier aux près de 50 milliards d’euros investis depuis 2004 dans la rénovation urbaine.
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